Catégorie : calligraphie chinoise Page 6 of 11

Pensées des morts

Les couleurs de l’automne sont là,
et le souvenir d’un beau texte de Lamartine mis en musique et chanté par Brassens revient…

Belle écoute

clue de la peine © Photo – Corinne Leforestier 2021

clue de la peine © Photo – Corinne Leforestier 2021

Pensées des morts

Voilà les feuilles sans sève
qui tombent sur le gazon
voilà le vent qui s’élève
et gémit dans le vallon
voilà l’errante hirondelle
qui rase du bout de l’aile
l’eau dormante des marais
voilà l’enfant des chaumières
qui glane sur les bruyères
le bois tombé des forets

C’est la saison où tout tombe
aux coups redoublés des vents
un vent qui vient de la tombe
moissonne aussi les vivants
ils tombent alors par mille
comme la plume inutile
que l’aigle abandonne aux airs
lorsque des plumes nouvelles
viennent réchauffer ses ailes
à l’approche des hivers

C’est alors que ma paupière
vous vit pâlir et mourir
tendres fruits qu’à la lumière
dieu n’a pas laissé mûrir
quoique jeune sur la terre
je suis déjà solitaire
parmi ceux de ma saison
et quand je dis en moi-même
où sont ceux que ton cœur aime?
je regarde le gazon

C’est un ami de l’enfance
qu’aux jours sombres du malheur
nous prêta la providence
pour appuyer notre cœur
il n’est plus : notre âme est veuve
il nous suit dans notre épreuve
et nous dit avec pitié
Ami si ton âme est pleine
de ta joie ou de ta peine
qui portera la moitié?

C’est une jeune fiancée
qui, le front ceint du bandeau
n’emporta qu’une pensée
de sa jeunesse au tombeau
Triste, hélas ! dans le ciel même
pour revoir celui qu’elle aime
elle revient sur ses pas
et lui dit : ma tombe est verte!
sur cette terre déserte
qu’attends-tu? je n’y suis pas!

C’est l’ombre pâle d’un père
qui mourut en nous nommant
c’est une sœur, c’est un frère
qui nous devance un moment
tous ceux enfin dont la vie
un jour ou l’autre ravie,
emporte une part de nous
murmurent sous la pierre
vous qui voyez la lumière
de nous vous souvenez vous?

Voilà les feuilles sans sève
qui tombent sur le gazon
voilà le vent qui s’élève
et gémit dans le vallon
voilà l’errante hirondelle
qui rase du bout de l’aile
l’eau dormante des marais
voilà l’enfant des chaumières
qui glane sur les bruyères
le bois tombé des forets

Lamartine

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un poème de Li Bai – visite au maître Yong dans son ermitage

尋雍尊師隱居

Visite au maître Yong dans son ermitage

李白
Li Bai (701-762)

群峭碧摩天
逍遥不记年
撥雲尋古道
倚樹聽流泉
花暖青牛卧
松高白鹤眠
語來江色暮
獨自下寒煙

parmi une foule de pics émeraude qui frôlent le ciel
tu vis librement, oubliant les années
écartant les nuages je suis un sentier antique
m’appuyant aux arbres j’écoute couler les sources
dans la tiédeur des fleurs des buffles noirs sont couchés
à la cime des pins des grues blanches dorment
tandis que nous parlons, sur le fleuve se posent les couleurs du crépuscule
seul, je redescends dans la brume froide

traduction Cheng Wing Fun & Hervé Collet  – Li Po buvant seul sous la lune – Edition Moundarren

Un poème de Li Bai calligraphié en xingcao en 2021 – © Corinne Leforestier sur papier de riz 70 x 45

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un poème de Li Bai – chant du voyageur

估客行

Chant du marchand voyageur

李白
Li Bai (701-762)

海客乘天風
將船遠行役
譬如雲中鳥
一去無蹤跡

le voyageur des mers chevauche les vents du ciel
il appareille sa jonque pour de longues expéditions
comme un oiseau dans les nuages
une fois parti pas la moindre trace

traduction Cheng Wing Fun & Hervé Collet  – Li Po buvant seul sous la lune – Edition Moundarren

Un poème de Li Bai calligraphié en xingcao en 2021 – © Corinne Leforestier sur papier de riz 70 x 45

Le même poème calligraphié dans un format plus petit (45 x 35)

Peut-on encore vivre cet idéal taoïste aujourd’hui ?…

◊◊◊◊◊

Un autre voyageur nous a quitté samedi dernier et a presque réussi à le faire incognito. C’est Julos Beaucarne…

Même si notre histoire
Paraît dérisoire
Dans le temps qui fuit
Même si elle est vaine
Cette course humaine
Vers quoi et vers qui
Ce petit royaume
Sans majordome
C’est chez lui

Jamais à la traîne
Viens si le vent t’amène
J’ai du Frascati
Ne crains pas la pluie
De canard t’habilles
Amène Sophie
Au petit royaume
Sans majordome
Chez lui

Dans un coin de silence
Une mouche danse
Sur un air de gigue
Des cheveux de neige
Des yeux qui recherchent
On ne sait quoi ni qui
Ce petit royaume
Sans majordome
Chez lui

Un pied dans la tombe
La mort fait sa ronde
Et tu lui souris
Sa faux est à la porte
On sait qu’elle est proche
Mais ce qui la séduit
C’est ce petit royaume
Sans majordome
Chez lui

Si tu passes outre
Si dans une poutre
On t’enferme aussi
Tu passeras en douce
Comme sur de la mousse
Vite en paradis
Dans ce petit royaume
Sans majordome
Chez lui

Julos Beaucarne

Vous pouvez aussi écouter ce texte mis en musique
dans cet enregistrement INA…

Beau voyage !…


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Huang Geng- Amarrant la jonque à Lin Ping

黃庚-臨平泊舟

Huáng Gēng (13ème)
amarrant la jonque à Lin Ping

Une poésie de Huáng Gēng calligraphiée en xingcao en 2021 – © Corinne Leforestier

客舟繫纜柳陰旁
湖影侵篷夜氣涼
萬頃波光搖月碎
一天風露藕花香

la jonque du voyageur est amarrée dans l’ombrage des saules
dans la pénombre, sur le lac l’air frais nocturne assaille l’auvent
sur dix milles arpents les vagues scintillantes bercent la lune brisée
le vent chargé de rosée emplit le ciel du parfum de fleurs de lotus

« L’art de la sieste – l’été » – Edition Moundarren

 

◊◊◊◊◊

Deux autres calligraphies de ce poème

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Chin Kuan – Prenant le frais

Une poésie de Chin Kuan calligraphiée en xingcao en 2021 – © Corinne Leforestier

秦觀-納涼

攜扙來追柳外涼
畫橋南畔倚胡床
月明船笛參差起
風定池蓮自在香

Chin Kuan (1049 – 1100)
Prenant le frais

canne à la main je sors en quête de la fraîcheur des saules
sur la berge au sud du pont laqué je m’allonge dans une chaise pliante
sous la lune claire, dans les barques le son des flûtes s’élève
le vent se calme, sur l’étang le suave parfum des lotus

« L’art de la sieste – l’été » – Edition Moundarren

♦♦♦♦♦♦♦

Je travaille la calligraphie en m’appuyant sur un texte célèbre intitulé
« les 1000 caractères » formé de 250 quatrains.
Il sert de références aux calligraphes car il est composé de 1000 caractères différents.

A titre d’exemple voici le 111ème quatrain :

畫綵仙靈

peinture en couleur du monde des immortels

dans lequel on retrouve l’un des caractères du poème de Chin Kuan

Le voici calligraphié à partir des modèles de cinq grands calligraphes :
de gauche à droite

Huai Su 懷素 (737–799) colonne 1

Mi Fu 米芾 (1051-1107) colonne 2

Wen Zheng Ming 文徵明 (1470-1559) colonne 3

Zhi Yong 智永 de la période des sui (581-618) colonnes 4 et 5

Zhao Meng Fu 趙孟頫 (1252-1322) colonne 6

♦♦♦♦♦♦♦

Voici deux autres calligraphies du poème de Chin Kuan

Les trois ensembles.

Bon mois d’Août dans la fraîcheur estivale.

Prochain article le 29 Août :
vous y découvrirez les gravures créées cet été …

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Une poésie de Su Dong Po sur l’art de peindre

Une poésie de Su Dong Po sur l’art de peindre.

Une poésie de Su Dong Po calligraphiée en xingcao en 2021 – © Corinne Leforestier

與可畫竹時 見竹不見人
豈獨不見人 嗒然遺其身
其身與竹化 無窮出清新
莊周世無有 誰知此凝神

Quand Wen Yu-ko peignait un bambou,
il voyait le bambou, il ne voyait plus les hommes
non seulement il ne voyait plus les hommes,
en transe il en oubliait son propre corps
son corps se métamorphosait en bambou
sublime jaillissait une fraîcheur nouvelle
depuis que Chuang-tzu n’est plus,
personne n’a connu une telle force de concentration.

« Su Tung Po – rêve de printemps » – Edition Moundarren

♦♦♦♦♦♦

C’est un peu l’état que je recherche en faisant les croquis
pendant des heures au bord de l’eau ou sous les arbres.

En voici quatre dont je vais m’inspirer
pour réaliser quatre gravures cet été.

prochain article : 1er Août 2021
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Au bord du monde : gravure

Tanguer au bord du monde ?

au bord du monde – aquatinte au sucre sur zinc 40 x 50 © Corinne Leforestier – 2010

Ce Monde n’est pas conclusion.
Un Ordre existe au-delà –
Invisible, comme la Musique –
Mais réel, comme le Son –
Il attire, et il égare –
La Philosophie, ne sait –
Et par une Énigme, au terme –
La Sagacité, doit passer –
Son concept, échappe aux savants –
Sa conquête a valu à des Hommes
Le Mépris de Générations
Et la Crucifixion –
La Foi glisse – rit, et se reprend –
Rougit, devant témoin –
S’accroche à un fétu d’évidence –
Et sur la Girouette, s’oriente –
Gesticulations en Chaire –
Grondements d’Alléluias –
Nul Opium ne peut calmer la Dent
Qui ronge l’âme –

♦♦♦♦

This World is not conclusion.
A Species stands beyond –
Invisible, as Music –
But positive, as Sound –
It beckons, and it baffles –
Philosophy, don’t know –
And through a Riddle, at the last –
Sagacity, must go –
To guess it, puzzles scholars –
To gain it, Men have borne –
Contempt of Generations
And Crucifixion, shown –
Faith slips – and laughs, and rallies –
Blushes, if any see –
Plucks at a twig of Evidence –
And asks a Vane, the way –
Much Gesture, from the Pulpit –
Strong Hallelujahs roll –
Narcotics cannot still the Tooth
That nibbles at the soul –

Emily Dickinson, traduit de l’anglais par Claire Malroux –
Poésie gallimard nrf – car l’adieu, c’est la nuit – p117

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Kou Zhun – Journée de printemps

Un poème de Kou Zhun calligraphié en xingcao en 2021 – © Corinne Leforestier

寇準-春晝

午晝花陰靜
春風數蝶飛
坐來生遠思
深院燕初歸

Kou Zhun (961-1023)
Journée de printemps

à midi, l’ombre des fleurs est immobile
dans le vent printanier quelques papillons volettent
peu à peu monte une lointaine nostalgie
dans la cours profonde les premières hirondelles sont de retour

« De l’art poétique de vivre au printemps » – Edition Moundarren

Yuan Mei – décrivant ce qui se passe

Un poème de yuan Mei calligraphié en xingcao en 2021 – © Corinne Leforestier

袁枚-即事

黃梅去將雨聲稀
滿徑苔痕綠上衣
風急小窗關不及
落花詩草一齊飛

Yuan mei (1716-1797)
Décrivant ce qui se passe

bientôt la fin des prunes jaunes, le son de la pluie se fait rare
le sentier est couvert de mousse, le vert gagne mon vêtement
une rafale de vent se lève, la petit fenêtre n’a pas été fermée à temps
pétales de fleurs et manuscrits de poèmes ensemble s’envolent

Yuan Mei « Epicurien taoïste » – Edition Moundarren


 Voici une autre calligraphie du même poème

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Sentence du jour tirée du tao te king – sagesse et érudition…(3/6)

Troisième phrase du chapitre 81
du Tao Te King de Lao Tseu

道德 经 – 老子 – 第八十一章

♦♦♦♦♦

Troisième phrase du chapitre 81 du tao te king de Lao Tseu calligraphié en 2021 en xingcao par- © Corinne Leforestier

知者不博
博者不知


En voici trois traductions

Celui qui sait n’est pas pour autant érudit
Celui qui est érudit ne sait pas pour autant

Traduction de Cheng Wing fun et Hervé Collet – Le vieux sage – de l’accord au cours des choses – éditions Moundarren

◊◊◊◊◊

Le sage n’a pas de connaissances étendues
Celui qui a des connaissances étendues n’est pas forcément sage

Traduction de Shi Bo

◊◊◊◊◊

Celui qui sait n’est pas érudit.
Un érudit n’est pas celui qui sait.

Traduction Liu Kia-Hway et Benedyct Grynpas – philosophes taoïstes I – gallimard nrf


Voici les 4 caractères de cette phrase calligraphiés de bas en haut en kaishu, xingshu, caoshu
Vous reconnaîtrez de gauche à droite :

知 zhī savoir; connaître – 者 zhě ce; celui-ci – 不 bù négation – 博 bó 1-vaste, étendu, immense, 2-acquérir, juste

 

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