Dans la montagne déserte
La pluie est tombée à nouveau
Le soir il fait déjà un temps d’automne
Le clair de lune se répand entre les pins
La source limpide galope sur le gravier
Des bambous parviennent
Des cris des lavandières sur le chemin de retour
Les lotus dansent au passage des bateaux
Les plantes printanières sont fanées depuis longtemps
Mais vous pouvez rester ici mes amis charmants
Traduction de Shi bo
Le premier vers de ce poème
Dans la montagne déserte la pluie est tombée à nouveau
Jia Dao (779 – 843) Passant la nuit au kiosque de la famille Li
à mon chevet pour oreiller une pierre du ruisseau
la source au fond du puits communique avec l’étang au pied des bambous
passant la nuit ici, à minuit le voyageur ne dort pas encore
seul, j’écoute la pluie au moment où elle arrive de la montagne
« De l’art poétique de vivre en Automne » – Edition Moundarren
Dans ce poème, deux caractères ont une forme en caoshu (herbe folle) très semblable alors que la forme en kaishu (style régulier) est différente. Il s’agit des caractères : 半bàn (moitié – une demi) et 未 wèi (ne …pas encore) :
半 bian : de haut en bas kaishu, xingshu et 2 formes de caoshu
Voyez-vous la différence dans la forme du bas ?
未 wei : de haut en bas kaishu, xingshu et caoshu
Un troisième caractère a également une forme presque semblable en xingshu (style courant) :
il s’agit du caractère 來 lái (arriver).
Ce caractère figurant dans de nombreux textes, il peut apparaître sous différentes formes.
Voici quelques variations : de gauche à droite –來 lái – calligraphié en kaishu, xingshu, et caoshu
En raison des ces ressemblances (faux amis ?), calligraphier en caoshu demande à la fois énergie, détente et concentration. C’est un vrai plaisir lorsque l’équilibre subtil est atteint. De nombreux exercices sont nécessaires.
Voici enfin deux autres compositions de ce même poème : la première dans le même format (70 x 45), le deuxième dans un format plus petit (50 x 37).
Les trois ensembles.
Une différence de composition existe entre celui du milieu et les deux autres : voyez-vous laquelle ?
Il s’agit de la signature → en deux colonnes sur celui du milieu et en une sur les autres !
Le nom de plume pinceau n’est pas le même non plus (d’où les différents sceaux).
Emmanuel Bazin m’a contacté au début de l’été souhaitant présenté l’une de mes calligraphies dans l’ouvrage « interférences sauvages ».
C’est un ouvrage de photographies d’eau vue de très près; un voyage entre art et science où l’eau est scrutée avec attention curieuse et ouverte.
La démarche de E. Bazin m’a beaucoup intéressée. Aussi, ai-je accepté avec joie de figurer dans ce carnet.
Voici un extrait pour vous donner envie de suivre le courant :
Avant propos : L’eau vue de près, une histoire et une aventure
L’eau bien sûr est universelle mais j’en ai fait une affaire personnelle : né à Cherbourg sous le signe du Poisson, c’était un bon début, confirmé en Pays d’Auge puis désormais dans le Finistère. C’est dire si cet attachement conduit mes pas. J’apprécie comme tant d’autres les paysages de mer, les bains toniques, les étangs pleins d’oiseaux, les rivières à marées, les ondées bienfaisantes, un bon verre d’eau fraîche et tous les jours je rends hommage à ses bienfaits remarquables. Mais, …
Mais la curiosité m’a poussé plus loin, au-delà des jeux et de la contemplation. Cette fréquentation assidue a aiguillé mon attention vers les étonnantes propriétés qui ont donné à l’eau la place qu’elle occupe dans l’univers ; un élément aussi omniprésent a nécessairement des propriétés pleines d’enseignements. J’ai la chance d’avoir de bons yeux qui m’ont permis très tôt de découvrir les plaisirs d’observer les petite choses de la nature comme les grandes de l’art ; c’est ainsi qu’une particularité de l’eau, m’a progressivement entraîné dans une recherche dévorante et conduit à des découvertes assez étranges que j’ai voulu partager dans ce carnet.
Depuis un an je travaille la célèbre préface du pavillon des orchidées (蘭亭集序) de Wang XiZhi (王羲之 –321-379 ou 303-361) considéré comme le prince des calligraphes.
Voici un fac-similé de l’époque Tang.
La Préface rédigée au pavillon des Orchidées (wikipedia)
Je présente dans ce post la 4ème version que j’ai réalisée cet été. Il ne s’agit pas d’un fac-similé où les calligraphes recopient la composition à l’identique (y compris avec les corrections ce qui surprend beaucoup les occidentaux) mais d’une présentation en colonnes de 15 caractères qui se base sur le modèle du calligraphe contemporain 陳國昭.
au cours de l’été de Lu Yu (1125 – 1210) au bord de la rivière au flot gonflé le vent frais caresse mon visage
la lune s’est couchée, un essaim d’étoiles remplit le ciel
quelques barques de guingois dans la crique
d’une flûte un air mélodieux s’élève sur la montagne en face
L’art de la sieste « L’été » – Edition Moundarren
Dans ce poème, 6 caractères comportent le radical eau: 水 shuǐ
Il s’agit des mots ruisseau, monter, limpide, tomber, plein/rempli et confluent.
Les voici calligraphiés successivement en kaishu, xingshu et caoshu
ruisseau 溪 xī
monter 漲zhǎng
limpide清qing
tomber 落 luò
rempli, plein 滿 mǎn
confluent 浦 pǔ
le premier vers du poème
溪漲清風拂面
xī zhǎng qīng fēng fú miàn
au bord de la rivière au flot gonflé le vent frais caresse mon visage
Le vent se lève parmi les pins
Sur le chemin du retour la rosée évaporée, les herbes sont sèches
La lumière à travers les nuages illumine les traces de nos pas
La verdure de la colline caresse nos habits
Traduction de Shi bo
Et voici le même poème calligraphié sur un plus petit format en trois colonnes
Le ch’in est posé sur une table en bois noueux bien qu’assis paresseusement, j’aspire à y exprimer mon sentiment inutile d’agiter mes doigts le vent caressant les cordes improvise un air
Po Chu Yi « un homme sans affaire » – Edition Moundarren
Voici une autre calligraphie du même poème au même format (70 x 45)
et une autre dans un format plus petit (45 x 35)
le dernier vers du poème
風弦自有聲
fēng xián zì yǒu shēng
le vent caressant les cordes improvise un air
Le Ch’in (Guqin) est un instrument de musique traditionnel chinois à sept cordes de la famille des cithares 古琴
Comme annoncé lors du précédent post, voici la balade de
wu wei (non agir) calligraphié en kaishu
Images et sons captés dans le ravin au buffle en mai 2020
Création à Chaudon – Mai 2020
La mise à jour de ce blog a été interrompue par un orage survenu le dimanche 26 avril : plus d’accès internet pendant presque un mois ! Les prémisses du monde d’après ?…
Ces jours-ci, je me suis exercée à calligraphier wu wei en différents styles
無為
Non agir
cinq calligraphies, quatre styles différents
Aux deux extrémités, il s’agit du style courant 行書 de Wang XiZhi tiré de la célèbre préface du pavillon des orchidées (王羲之 – 蘭亭集序). Je travaille cette préface quotidiennement depuis septembre : elle est un passage « obligé » pour tout calligraphe. Je vous présenterai cela dans un prochain post.
Ensuite de gauche à droite : 2 styles de caoshu herbe folle 草書
et un autre style courant 行書 le style « bambou gracieux » de Shi Bo
Mais :
wu wei aime l’air libre. Quelques photos en témoignent.
La suite de ses aventures en images animées dans un prochain post …