Entrons dans ce nouvel été, avec quelques photos de la peinture sur rocher « les miroitants » réalisée dans le ravin au merle en 2019, et une page de Nan Sheperd tirée du livre « Dans la montagne vivante » (Christian Bourgois)
Pourquoi certains blocs de pierre, taillés en formes violentes et torturées, tranquillisent à ce point l’esprit, je l’ignore. Peut-être l’œil impose-t-il son propre rythme à ce qui n’est que confusion. Il faut regarder de manière créative pour voir en cette masse de rochers autre chose que des saillies et des sommets – la beauté. Sinon pourquoi depuis tant de siècles les hommes se sentent-ils rebutés par la montagne ? C’est un certain genre de conscience qui interagit avec les formes de la montagne pour créer ce sens de la beauté. Pourtant les formes doivent être là pour que l’œil les voie. Et des formes d’une certaine distinction : de simples mottes ne feraient pas l’affaire. Il s’agit, comme pour toute création, de matière imprégnée d’esprit. Mais le résultat est un esprit vivant, une lueur dans la conscience, qui périt avec la lumière. C’est quelque chose d’arraché au non-être, cette ombre qui glisse sur nous sans cesse et qui peut être tenue à distance par un acte créatif continuel. Ainsi, regarder simplement quelque chose, comme une montagne, avec l’amour qui pénètre son essence, c’est étendre le domaine de l’être dans l’immensité du non-être. L’homme n’a pas d’autre raison d’exister.
Pratiquer la peinture sur rocher donne à ressentir une altérité. Cela me permet de désapprendre les automatismes du regard et des gestes du peintre qui se font parfois « mécaniques ». C’est comme une renaissance, une régénérescence des émerveillements.
Le rocher avec ses surfaces multiples, accidentées, animées, pleines d’obstacles inattendus, incite, invite à la découverte, à l’exploration. Je pratique cette peinture au pinceau ou à main nue pour vivre le toucher.
C’est un jeu jubilatoire qui s’accompagne parfois du piaillement d’une volée de mésanges curieuses… Et lorsque rocher et peintre ont les pieds dans le ruisseau : des pépites de joie en perspectives variées !
Un bel été à vous.