Catégorie : technique artistique Page 3 of 4

Les miroitants ou reflets sur rochers

Depuis quelques années je pratique la peinture sur rocher.
Le film présenté dans ce post en montre un aspect.
Lorsque je le préparais, je suis tombée sur le livre
« Dans la montagne vivante » de Nan Shepherd.
Et l’ouvrant au hasard, je lis :

Connaître complètement ne serait-ce qu’un champ est l’expérience d’une vie. Dans le monde de l’expérience poétique, c’est la profondeur qui compte, pas la largeur.

Quelques pages plus loin :

Le bruit de toute cette eau courante est aussi essentiel à la montagne que le pollen aux fleurs. On l’entend sans l’écouter, comme on respire sans y penser. Mais à l’écoute, le bruit se désintègre en de nombreuses notes différentes – la lente claque du loch, le trille aigu du ruisselet, le rugissement de la cascade. Sur une petite portion d’un cours d’eau, l’oreille peut distinguer simultanément une douzaine de notes différentes.

C’est cette expérience que je recherche dans la peinture sur rocher au bord de l’eau. Rencontrer la montagne par ses sentiers oubliés.
Écouter et entendre ce qu’elle a à dire et parfois, prendre un peu d’encre de chine et tenter la trace sur la paroi avec le pinceau ou  la main.

Les éclats de soleil reflétés par une cascatelle sur un rocher ouvrent soudain un espace à découvrir.
Il faut s’y installer, prendre le temps de n’en rien attendre pour mieux ensuite se laisser traverser.

Je reviendrai dans un prochain post sur ce que cette pratique apporte au travail de peinture en atelier.


Ce film est conçu pour entrer en contemplation, éprouver un autre rythme au cœur de la montagne vivante.
Il est à regarder et écouter sur grand écran (et non smartphone)

Images et sons captés dans le ravin au merle en mai-juin 2020
Peinture sur rocher réalisée en 2019

 

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Premières neiges : une nouvelle peinture

Les premières neiges sont là, elles m’ont inspiré une nouvelle peinture.

Premières neiges – technique mixte sur toile 146 x 114 – 2019 – © Corinne Leforestier

Et dans le tumulte silencieux résonne un poème de Supervielle

Descente de Géants

Montagnes derrière, montagnes devant
Batailles rangées d’ombres, de lumières,
L’univers est là qui enfle le dos,
Et nous, si chétifs entre nos paupières,
Et nos cœurs toujours en sang sous la peau.

Faut-il que pour nous brûlent tant d’étoiles
Et que tant de pluie arrive du ciel,
Et que tant de jours sèchent au soleil
Quand un peu de vent éteint notre voix,
Nous couchant le long de nos os dociles ?

Viendront les géants tombés d’autres mondes,
Ils enjamberont les monts, les marées,
Et vérifieront si la terre est ronde,
Par dérision, de leurs grosses mains,
Ou bien, reculant, de leurs yeux sans bords.

Jules Supervielle – La fable du monde
Poésie Gallimard Pléiade NRF p 402

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Dans le brouillard et l’orage : histoire d’une montagne – une série d’encres récentes

Voici une série d’encres réalisées cet automne inspirées du livre « histoire d’une montagne » du géographe et anarchiste Elisée Reclus, accompagnée de deux  extraits de son livre.

Encre 50 x 40 sur papier de chine marouflée sur lana 76 x 56 – 2019 Corinne Leforestier

DANS LE BROUILLARD

On se trouve comme dans un monde nouveau, à la fois redoutable et fantastique, lorsqu’on parcourt la montagne au milieu du brouillard. Même en suivant un sentier bien frayé, sur des pentes faciles, on éprouve un certain effroi à la vue des formes environnantes, dont le profil incertain tantôt semble osciller dans la brume, qui tantôt s’épaissit, tantôt devient plus claire.

 

DANS L’ORAGE

DANS L’ORAGE

Les arbres, les broussailles qui croissent sur les escarpements dardent leurs rameaux à travers la brume, d’une façon menaçante; parfois même, on ne voit qu’une masse noirâtre serpentant dans l’ombre grise : c’est une branche dont le tronc reste invisible. On a le visage baigné par une fine pluie; les touffes de gazon, les bruyères, sont autant de réservoirs d’eau glacée où l’on se mouille comme à la traversée d’un lac. Les membres se raidissent; le pas devient incertain; on risque de glisser sur l’herbe ou sur le roc humide et de rouler dans le précipice. Des rumeurs terribles remontent d’en bas et semblent prédire un sort fatal; on entend la chute des pierres qui s’écroulent, des branches chargées de pluie qui grincent sur leur tronc, le sourd tonnerre de la cascade et le sinistre clapotement des eaux du lac contre ses rives. C’est avec épouvante que l’on voit la brume se charger de la sombreur du crépuscule et que l’on pense à la terrible alternative de la mort par le dérochement ou par le froid.

Elisée Reclus (1830 – 1905) – Histoire d’une montagne

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Dans le ravin : histoire d’un ruisseau – nouvelle gravure

Dans le ravin : l’une des 4 gravures travaillées cet été.

dans le ravin - histoire ruisseau

aquatinte au sucre sur cuivre 40 x 30 -2019 © Corinne Leforestier

Et deux extraits de « histoire d’un ruisseau » de Elisée Reclus

LE RAVIN

En descendant le cours du ruisseau, dans lequel viennent s’unir le torrent tapageur de la montagne, le ruisselet de la caverne, l’eau paisible de la source, nous voyons à droite et à gauche vallon succéder à vallon, et chacun d’eux, différent des autres par la nature de ses terrains, par la pente, l’aspect général, la végétation, se distingue aussi par la quantité des eaux qu’il apporte au lit commun de la vallée.

Presque en face d’un petit torrent babillard qui bondit avec joie de pierre en pierre pour se mêler à la masse déjà considérable du ruisseau, s’ouvre un ravin très incliné, le plus souvent à sec.

[…]

Il serait donc facile de remonter le ravin dans toute sa longueur sans avoir à se servir de ses mains pour une seule escalade; toutefois, celui qui aime la nature de près méprise le sentier battu et se glisse avec joie dans l’étroit espace ouvert entre les berges. Dès les premiers pas, il se trouve comme séparé du monde. En arrière, un détour de la gorge lui cache le ruisseau et les prairies qu’il arrose; en avant, l’horizon est brusquement limité par une série de gradins d’où l’eau, quand il en coule, descend en cascatelles; au-dessus, les branches des arbres qui bordent le défilé se recourbent et s’entrecroisent en voûte; les bruits du dehors ne pénètrent pas dans cette sauvage vallée presque souterraine.

Elisée Reclus (1830 – 1905) – Histoire d’un ruisseau

Cette gravure peut aussi être vue horizontalement. N’est-ce pas plus facile ainsi, de sauter de rocher en rocher ou de glisser de vasque en vasque ?

Ce phénomène d’inversion de point de vue se produit souvent dans mon travail : quand l’inspiration s’enfuit, je retourne la gravure en cours et la redécouvre d’un œil neuf !

C’est pour cela aussi que je signe au dos ainsi, le regardeur peut y voyager à son gré comme bon lui semble …

J’avais gravé une série de 8 gravures inspirée du même livre du géographe Elisée Reclus  « histoire d’un ruisseau » en 2013. Elles sont à retrouver dans ce diaporama ou sur mon site ici

 

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Les Hommes volants

Les Hommes volants : l’une des 4 gravures travaillées cet été.

les hommes volants

aquatinte au sucre sur cuivre – 30×40 © Corinne Leforestier

Voici un  poème de Fernando Pessoa qui pourrait  faire écho…

♦♦♦♦♦♦

Plutôt le vol de l’oiseau qui passe et ne laisse pas de trace,
que le passage de l’animal, qui reste rappelé par le sol.
L’oiseau passe et s’oublie, et c’est fort bien ainsi.
L’animal, là où il ne se trouve plus et où par conséquent
il ne sert plus de rien,

montre qu’il s’y est trouvé, ce qui ne sert à rien de rien.

Le souvenir est une trahison envers la Nature,
Parce que la Nature d’hier n’est pas la Nature.
Ce qui fut n’est rien, et se rappeler c’est ne pas voir.

Passe, oiseau, passe, et apprends-moi à passer !

Traduit du portugais par Michel Chandeigne, Patrick Quillier et
Marie Antonia Câmara Manuel
Fernando Pessoa : Le gardeur de troupeau – poèmes d’Alberto Caeiro –
Editions Christian Bourgeois 1989

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Nature en chemin

L’un des motifs récurrents de ses toiles est celui de la route, du chemin, du fleuve qui s’éloigne. Si, en tant qu’élément formel, il a pour fonction de structurer fermement la composition, il agit aussi comme image métaphorique de l’appropriation des lieux par le cheminement, invitant le spectateur à pénétrer plus avant dans le paysage, comme si le peintre désirait l’entraîner sur ses pas pour l’introduire dans ces lieux aimés et maintes fois parcourus. 

Cette citation de Dominique Brachlianoff à propos des peintures de Sisley, pourrait souvent s’appliquer à mon travail artistique.

Le chemin, le sentier, la clue, le ravin : bref tout ce qui fait « passage » se retrouve souvent au cœur de mes œuvres. Elles sont une invitation à la balade quand le paysage s’ouvre devant soi.

Voici une peinture réalisée ce printemps où vous pourrez cheminer.

ur l’eau - technique mixte sur toile 120 x 120 – 2019

Sur l’eau – technique mixte sur toile 120 x 120 – 2019 © corinne leforestier

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Les transparents : entre rêve et réalité

Voici un autre paysage qui surgit régulièrement.
Fait de rochers, d’eau, d’air, de personnages à découvrir : ici j’en ai trouvés deux (apparus inopinément et reconnus a posteriori) : une impératrice et un maître zen. Les trouverez-vous ?
Se rencontreront-ils ?

Les transparents - technique mixte sur toile 90 x 70 – 2019 © corinne leforestier

Les transparents – technique mixte sur toile 90 x 70 – 2019 © corinne leforestier

L’inspiration d’une telle peinture réside entre Rêve et Réalité.

Réalité,

car la peinture faite en atelier reflète un paysage intérieur qui s’est cristallisé au fil des balades et des croquis dessinés presque quotidiennement.

Il y en a des centaines. Ce sont des heures passées assise dans la lande à l’ombre des pins, ou sur les rochers au bord des ruisseaux : un vrai bonheur.

C’est comme une contemplation-méditation. L’exercice consiste, tantôt à  capter les grandes lignes du paysage, tantôt à comprendre par l’observation la genèse de la forme, et l’agencement des éléments les uns par rapport aux autres.

En voici quelques échantillons : des croquis des ravins de Chaudon.

12 croquis A4 horizontaux – encre de chine © corinne leforestier

Et enfin, les jours fastes, capter une « essence plus subtile » ?

2 croquis A4 verticaux – craie © corinne leforestier

Rêve,

car comme le dit Gauguin : « Un conseil, ne copiez pas trop d’après nature. L’art est une abstraction. Tirez-la de la nature en rêvant devant et pensez plus à la création qu’au résultat… ».

ou Klee

« L’art ne rend pas le visible, il rend visible. »
« Tout visible est un invisible élevé au rend de mystère. »

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Toujours la même peinture ?

En contemplant la dernière peinture en cours posée sur le chevalet, je m’interroge : d’où viennent ces deux ou trois paysages qui surgissent en variations multiples au fil des ans ?
Quels sont-ils : des souvenirs ? Des lieux à atteindre ?

Le jeu est toujours le même : il consiste à apposer des touches de peintures pour s’y perdre jusqu’à trouver où se reposer, puis s’imprégner des couleurs, des matières des atmosphères rêvées, imaginées.
Les éléments inspirants sont l’eau, la pierre, les arbres, souvent un chemin, parfois une vue plongeante comme si le paysage survenait du regard d’un oiseau.
Toujours la nature et l’homme dilué jusqu’à l’effacement comme dans ce poème de René Char :

♦♦♦♦♦♦

[…] Tour à tour, coteau luxuriant, roc désolé, léger abri, tel est l’homme, le bel homme déconcertant.

Disparu, l’élégance de l’ombre lui succède. L’énigme a fini de rougir.

Nota. – Cessons de miroiter. Toute la question sera un moment, de savoir si la mort met bien le point final à tout. Mais peut-être notre cœur n’est-il formé que de la réponse qui n’est point donnée ? […]

Extrait du rempart de brindilles – Les Matinaux – René Char
Poésie / Gallimard p 121

les miroitants

Les miroitants (en cours de création) – technique mixte sur toile 120 x 120 – 2019- ©Corinne Leforestier

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Yuan Mei – Improvisation

calligraphié en xingcao sur papier de riz 50 x 70 © Corinne Leforestier


袁枚-偶成

安身浮世外
行止自徐徐
白鹭替迎客
春風為卷書

Yuan mei (1716-1797)
Improvisation

je me suis installé
en dehors du monde de poussière

en mouvement ou au repos
je vis à ma guise

ma grue blanche à ma place
accueille les visiteurs

le vent printanier pour moi
tourne les pages du livre

Yuan Mei « Epicurien taoïste » – Edition Moundarren


 et voici 2 autres calligraphies du même poème :
aiguisez votre sens de l’observation en repérant les différences …

Les 3 calligraphies ensemble …


♦♦♦♦♦

La grue blanche vous salue …

aquatinte au sucre sur zinc 15 x 10 – 2009 © Corinne Leforestier

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La lande

Calligraphier m’emmène sur les traces des poètes chinois.
Peindre c’est aussi  poursuivre un voyage …

La lande – technique mixte sur toile 150 x 120 – 2014 – © Corinne Leforestier

En écho, ce poème de Kenneth White

♦♦♦♦♦♦

Lettre à un vieux calligraphe

Cent jours passés
par les grèves et les montagnes

à l’affût
du héron et du cormoran

puis écrire ceci
à la lisière du monde

dans un silence devenu
une seconde nature

et connaître à la fin
dans le crâne, dans les os

le sentier du vide.

Kenneth White – un monde ouvert
Poésie / Gallimard p 47

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