L’une de mes dernières peintures est une clue.
Pourquoi peindre ce passage si étroit
creusé par l’eau entre deux falaises ?
Peut-être pour me rappeler qu’une goutte d’eau ajoutée à une goutte d’eau creuse toujours son passage entre les roches.
La lumière aussi.
On s’abandonne les yeux fermés à l’eau qui, inépuisablement, ouvre les chemins ; nulle excursion n’est plus envoûtante que celle où le bien-être inhérent à tout voyage au fil de l’eau se double de la sécurité magique qui s’attache au fil d’Ariane. Ainsi pendant de longues minutes, la barque progresse dans le silence glauque ; en même temps que le soleil, les falaises arrêtent jusqu’au moindre souffle d’air. Au milieu de l’excursion de l’Evre, ces moments de silence, dans ma mémoire, viennent se poser comme un long point d’orgue ; ce silence, un doigt sur les lèvres, debout et immobile, et matérialisé en demi au creux de ces étroits plein de présences païennes, c’est vraiment le génie du lieu qui l’impose.
Julien Gracq – extrait des eaux étroites
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